Kata et Bunkai

Kata se traduit littéralement par « moule ». Il vise à forger le karatéka par la répétition d’un enchainement codifié de techniques, couplé à une recherche d’attitude martiale. Au fur et à mesure de la pratique, une transformation du karatéka se déclenche au niveau physique, mental et physiologique (énergétique). Le karatéka, par la pratique soutenue des katas, à condition que la pratique soit authentique et respecte certains critères, développe une présence à soi-même et devient de plus en plus martial. Son karaté tout entier s’améliore par la pratique des katas.

Une pratique authentique cherche notamment à respecter les critères suivants :

  • Chaque mouvement doit vivre, aucun mouvement ne doit être délaissé. Le karatéka se doit d’être présent dans chacun de ses mouvements (Zanshin – l’esprit qui demeure) ;
  • La détermination de neutraliser l’adversaire ou d’une défense absolue doit être recherchée et ressentie dans chacun des mouvements ;
  • La précision du geste et le respect des temps/timings est primordial.

Le karatéka se heurte alors à un adversaire de taille : son mental. Ses blocages émotionnels, ses pensées lui font oublier des mouvements, l’empêchent de détendre ses épaules pour lancer un tsuki authentique, etc. Par une pratique soutenue, ces blocages peuvent être brûlés et détruits. En cela le kata est un exercice transformateur très puissant. L’enseignant a ici un rôle d’accompagnement pour aider le karatéka à affronter ses peurs et à se libérer par l’exercice du kata. L’objectif étant d’atteindre un karaté de plus en plus libéré et pure.

Les katas ont été conçus par d’anciens maitres du combat. La sagesse de plusieurs générations de maitres en art martiaux sont concentrés dans les katas. Mais l’accès à la connaissance du kata requiert un entrainement et une répétition intense. FUNAKOSHI disait que pour connaitre réellement un kata, il s’agit de le répéter au moins 10.000 fois.

Un exercice répandu de recherche de la signification du kata est l’exercice du bunkai. Cet exercice vise une traduction du kata en une situation de combat.

Bunkai pourrait être traduit par « résoudre ». Il vise à traduire un passage du kata en une application réaliste à une situation d’agression physique définie. Par réaliste nous entendons :

  • La réponse martiale à la situation d’agression doit être applicable en conditions réelles d’agression, i.e. si l’agresseur est fermement déterminé dans son attaque !
  • La réponse doit viser si possible à neutraliser l’agresseur, ou à vous mettre hors de danger, c’est-à-dire à le mettre hors d’état de nuire (KO, maitrise au sol ou debout, jambe brisée, clé, fuite …).
  • La réponse à l’agression ne doit pas vous rendre vulnérable ! Cette erreur est commune. La réponse martial doit  fermer au maximum les possibilités de riposte de l’agresseur lors des mouvements de défense (c’est-à-dire que si je saisis son bras, il ne doit pas pouvoir me frapper de l’autre bras, ou alors je suis capable de riposter aisément si la situation se produit).
  • La réponse doit chercher à respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’on ne brise pas la nuque de quelqu’un qui vous a traité de haricot !

Certains considèrent les BUNKAI comme inutiles et dénués de tout réalisme. Ils n’ont certainement pas compris la finalité ou manquent d’imagination dans leur propre bunkai : l’agressé choisit lui-même les attaques qu’il va subir pour démontrer son interprétation du kata, en veillant aux principes exposés ci-dessus.

Cela dit, trop de bunkais sont dénués de réalisme par manque de pragmatisme et d’expérience de terrain, le summum étant les présentations de défense sur les agressions au couteau (visibles sur la toile), inapplicables et dangereuses ! Comme si l’agresseur allait faire une salve d’attaques, puis rester sur place et attendre bien sagement que son adversaire finisse son enchaînement. Sans parler de bunkai, les cours de self-défense sont aussi souvent très utopiques et inapplicables. Ils apportent à minima un peu d’entretien physique mais une confiance parfois bien illusoire …

Le rôle de l’agresseur, dans le cadre de l’entrainement est donc d’une importance capitale, il doit vraiment jouer le rôle d’un agresseur qui veut détruire son adversaire, en analysant et partageant à son partenaire toutes les failles potentielles de la défense proposée. J’ai vu trop de karatékas gradés attaquer mollement jusqu’à attaquer dans le vide à côté de la cible ! Inadmissible ! Moralité, le karatéka dans une situation réelle découvre sa tragique incompétence, les mouvements proposés à l’entrainement ne marchent pas … Du vent !

Par ailleurs, les budokas doivent se souvenir que dans une rixe de rue, il n’y a pas de loi ! Ce n’est pas comme dans une compétition où par exemple, les coups sous la ceinture sont interdits. Cela ouvre un champ de possibilités considérable ! C’est pour cette raison que le karatéka choisit son scénario d’attaque : saisi col puis coup de poing visage suivi de coup de genoux, étranglement puis coup de tête … etc. Il développe des réflexes de défense à une situation donnée. En cela la pratique des bunkais est très importante.

Il s’agit  de sortir des mouvements scolaires du karaté, personne dans la rue ne va attaquer en Zen-kutsu dachi suivi d’un oi-tsuki visage ! D’autant que par cette pratique, le karatéka développe son imagination, son intellect, il apprend à sortir des sentiers battus, à innover, c’est très formateur. Proposez des étranglements suivies de frappes au visage, de poussées toniques, de saisies au col suivi d’un coup de coude ..ou de poings en crochet à la « rue » …

La simplicité et la bonne logique d’enchainement de la défense proposée est primordiale. Chaque mouvement doit être explicable. L’entrainement doit permettre de travailler d’abord doucement puis à accélérer l’enchainement suivant l’aisance. Si vous n’êtes pas à l’aise après un long entrainement, alors revoyez votre proposition, elle n’est certainement pas adaptée à vous.

Pour finir, chaque pratiquant doit trouver son propre bunkai, une personne de 65 ans va à l’essentiel (les fameuses parties, articulations, yeux, etc.) et évite toute confrontation de force (subtilité et sagesse !), tandis qu’un jeune homme de 20 ans peut proposer par exemple des coups de pieds hauts (et encore, cela dépendra de la situation !).

Bref, l’exercice de bunkai est souvent très mal compris. Pourtant, les katas recèlent parfois des merveilles pour trouver les réponses justes à des agressions données, FUNAKOSHI lui-même expliquait que les katas Heian (5 katas pratiqués pour la ceinture noire) recèlent suffisamment de secrets pour toute une vie de pratique. Je suis tout à fait d’accord sur ce point.

Puissiez-vous trouver le chemin qui vous correspond.