En général on retrouve deux types de réactions concernant la ceinture noire.
La première est une idée assez flatteuse, et est plutôt portée par des gens qui ne pratiquent pas d’arts martiaux. Cette idée consiste à idéaliser les personnes ayant une ceinture noire, en les imaginant comme des guerriers aguerris, ayant atteint un niveau de maitrise dangereux pour quiconque les attaquerait.
C’est vrai dans certains cas, et faux dans d’autre. En fait cela dépend surtout du type de karaté pratiqué et de la qualité d’enseignement de son école… et aussi de la personnalité du karatéka.
Je suis même convaincu que certaines ceintures noires peuvent se faire battre à plat de couture dans un combat de rue, où les règles du dojo sont absentes. Même par quelqu’un qui ne fait pas spécialement d’art martiaux, du moment qu’il est en colère et/ou déterminé à faire mal à son adversaire. Pour quelle raison ? Car souvent la pratique du karaté est sclérosée, elle forme de bons sportifs, mais pas forcément de bon combattants, ça dépendra du pratiquant et … de son école. Cf. Article sur le Bunkaï et Kata.
Pour certains pratiquants de karaté débutants ou des gens qui s’intéressent un peu aux arts martiaux, ils voient la ceinture noire comme une finalité, et parfois comme quelque chose d’inatteignable. « Ce n’est pas pour moi, je ne suis pas un combattant, je ne suis pas assez sportif ». A ces derniers je leur répondrai : si vous avez été capable de vivre jusque-là, alors vous êtes capable d’atteindre la ceinture noire. Du moment qu’il n’y a pas d’handicap psychomoteur avancé, tout le monde est capable d’atteindre la ceinture noire avec un entrainement régulier et de la motivation … et un professeur correct.
En fait la ceinture noire n’est que le commencement. D’ailleurs le 1er dan, qui correspond à la ceinture noire 1er niveau, est classifié comme niveau « débutant » par les japonais. C’est le vrai débutant. C’est un peu comme si vous aviez construit votre navire et que vous pouviez maintenant commencer à apprendre à naviguer sur l’océan de la connaissance martiale.
Donc le premier objectif de l’enseignant de karaté est d’amener ses apprentis-débutant au stade de débutant.
A partir de ce moment-là, la pratique prend une autre profondeur, et la qualité de l’enseignant devient essentielle pour permettre au débutant de prendre la rame de son navire en autonomie, et de converger vers la pratique ultime, la voie martiale par excellence.
Donc au niveau ceinture noire nous ne sommes pas encore des combattants aguerris, nous sommes des combattants-débutants. Et ce niveau est accessible à tous. Ce point est essentiel.
Ensuite la deuxième réaction concerne plutôt les gens qui s’intéressent de plus près aux sports de combat. Ils avancent en général que le karaté n’est pas réaliste, que dans une situation réelle tout ce qui est appris au dojo est inapplicable. Donc pour ceux qui veulent apprendre à se battre, mieux vaut faire de la boxe ou des sports à contact (Kick boxing, MMA, boxe française …).
Sans argumenter sur le fait qu’un combattant aguerri peut aussi fuir avec dignité un combat si ce dernier est évitable (soyons dignes et évitons les effusions de violence, aussi le combattant aguerri est conscient de sa capacité de destruction et ne souhaite pas faire vivre un calvaire à autrui sauf nécessité extrême), ces arguments proviennent de deux aspects :
- Une connaissance insuffisante du karaté (la compétition vue à la télé n’est pas le Karaté et encore moins le Karaté-Do au sens large) ;
- Une pratique/un enseignement du karaté trop sclérosé dans beaucoup de clubs. Il est vrai et malheureux que beaucoup d’enseignant de karaté enseignent des techniques inapplicables, car il n’y a pas assez voir pas de réflexion. Hors la réflexion doit être derrière chaque enseignement de défense : est-ce réaliste ? Suis-je capable de reproduire ce mouvement sous une attaque violente et déterminée ? Si non, alors inutile de l’apprendre, ou alors vous pratiquez de la gymnastique avec vos membres, pas du karaté ;
- Un manque de subtilité et d’intuition dans l’interprétation des techniques (bloquer un tibia lancé à pleine puissance avec un poignet n’est anatomiquement pas très logique… Pourtant combien de personne proposent de bloquer un mae-geri avec gedan baraï ? Notons que Baraï veut dire balayage et non bloquage … )
Le karaté est un art martial, pas uniquement un sport de combat. Il amène l’individu à évoluer vers plus d’humilité, de simplicité, et de vertus. Après tout, un combattant aguerris peut aussi gagner un combat par un sourire, de l’humour bien placé, de la gentillesse, de la diplomatie… qui peut littéralement désarmer l’agressivité d’autrui dans certains cas. Il est aussi capable de faire preuve d’une fermeté et d’une efficacité redoutable dans des cas de confrontation inévitable.
Une ceinture noire commence à prendre conscience d’elle-même, de ses axes d’améliorations, de ses points forts (à noter qu’un point fort peut toujours être amélioré !). Elle commence le chemin vers une connaissance plus approfondie de soi-même, qui va se traduire en une pratique du karaté de plus en plus pure et efficace. Elle découvre qu’elle combat en fait contre ses propres blocages intérieurs, ses propres idées préconçues, qui se reflètent immédiatement dans son karaté. C’est très frappant en exercice de kata et de combat. Le karaté devient donc un exercice de libération, d’évolution personnelle vers plus de liberté intérieure. Un bon karaté est un karaté libre des préjugés.
Une ceinture noire débutante a besoin d’un guide, d’un enseignant aguerri, qui va le guider vers une autonomie de plus en plus marquée, vers une libération de ses propres blocages, pour une pratique de plus en plus pure et heureuse.
Là est toute la beauté du karaté-do.