Associations et collectifs de citoyens de la Métropole de Bordeaux qui suivent les populations à la rue ont lancé une pétition, dénoncent une « impasse » et le manque de logements d’urgence
« Bordeaux… l’appel de la rue ! » Tel est le nom de la pétition lancée par plusieurs associations venant en aide aux personnes sans-abri dans l’agglomération. Une vingtaine de collectifs – à quoi il faut ajouter près de 1 300 internautes – ont signé ce document qui s’adresse à l’État, au Département de la Gironde ainsi qu’à Bordeaux Métropole et dénonce une « impasse ». Les associations cosignataires de la pétition s’insurgent avec colère et consternation : « Elles reçoivent quotidiennement des demandes d’hébergement d’urgence quotidiennes, de femmes avec enfants en bas âge, de mineurs isolés… »
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Collectifs, associations et autres lieux autogérés – qui hébergent quelque 600 sans-abris sur Bordeaux Métropole – réclament l’ouverture « immédiate » des structures d’accueil qui en temps normal sont débloquées en « plan grand froid », ainsi que le lancement d’une « concertation » entre associations et institutions, afin de « pérenniser les réponses » en matière d’accueil et d’hébergement des plus démunis en Gironde.
2 mondes, 2 réalités
« La température descend régulièrement sous la barre des zéros depuis le mois de décembre, il fait froid et humide… Le matin mes couvertures sont trempées. Je suis fatiguée. » propos recueilli auprès d’une sexagénaire à la rue lors de maraudes… Être femme et vivre à la rue – émission à réécouter en podcast sur francebleu.fr
« Les conditions météorologiques ne justifient pas pour le moment le déclenchement du plan grand froid et l’ouverture de places supplémentaires dans des gymnases » a réagi hier la préfecture dans un communiqué où elle parle d’une mobilisation sans précédent du nombre de places d’hébergement d’urgence dans le département. « Actuellement plus de 1700 places sont ouvertes tous les soirs en Gironde, contre 1400 avant l’activation du dispositif de veille hivernale. Ces places sont occupées à 95%. »
Mais le constat de terrain est alarmant ! (lire l’article de Rue 89)
1200 personnes en squat
Difficile de savoir avec certitude combien de personnes vivent à la rue dans la Métropole. « On a recensé 1200 personnes en squat et bidonville. En 2015, c’était 800, presque exclusivement des personnes en situation d’immigration. On n’intervient pas partout. On est certainement bien en dessous de la réalité », affichent l’antenne locale de Médecin du Monde.
L’agglomération compterait actuellement 40 squats. 14 avait été recensés en 2014.
Pour palier le manque de logements accessibles, des collectifs issus de la société civile ont émergé ces dernières années. Dans l’agglomération, ces collectifs ont multipliés les réquisitions illégales de logements inoccupés afin d’y installer des sans-abri.
Entre Pessac, Talence et Bordeaux, le Collectif de La Piraterie a pris possession d’une bâtisse appartenant à Bordeaux Métropole. On ne parle pas de squat mais de lieu de vie. En six mois, une quarantaine de SDF sont passés par là. A l’heure actuelle, une vingtaine d’hommes seuls et de femmes avec enfants cohabitent, participent à des activités diverses et profitent de ce pied à terre pour se relancer. « Ils nous ont sauvé la vie. Je leur serai toujours reconnaissant » s’exclame Alexandre. Avec Ségolène, le jeune couple venu de la Rochelle a évité de peu la rue, et a profité de l’accueil de ce lieu pour repartir du bon pied, trouver un job et un logement. « Dans mon esprit, un squat était un endroit sombre. Ici, c’est une maison » confie Ségolène.
22000 logements vides recensés par l’INSEE en 2015 sur Bordeaux Métropole (un peu plus de 10000 à Bordeaux)
Mais La Piraterie est sous le coup d’une « expulsion sans droits à la trêve hivernale » prévue pour le 29 janvier. Forte de son action sociale, de sa « charte de vie » stricte, elle espère être sauvée, voire devenir légitime aux yeux des institutions. C’est le souhait des auteurs et signataires de la pétition, qui militent par exemple pour la mise en place de « baux précaires » liant les institutions et collectifs sur quelques-uns des squats de l’agglomération. « On peut imaginer une association tampon qui se porte garante de la bonne tenue du squat. On a des compétences, on ne fait pas n’importe quoi. Tout ce travail peut être validé » veulent croire les cogérants de La Piraterie. A voir maintenant quelle sera la position des collectivités en question…
Propos recueilli par Émilien Gomez pour le journal Sud-Ouest du 16/01/2019
Des associations girondines lancent « l’appel de la rue » pour les sans-abris