La Maison est close, ouvrons le débat!
« Je me suis consciemment mis en position d’être considéré comme un hors-la-loi doublé d’un voleur » (Un membre du collectif La Maison à Poitiers, 26 septembre 2018)
Juin 2018. Les membres du futur collectif La Maison jettent leur dévolu sur le 18 rue du Jardin des Plantes. Inhabité depuis 10 ans, spacieux, l’endroit est parfait. En plus, le bâtiment appartient à l’Etat. Et l’Etat, il est à tout le monde, pas vrai ?
En quelques coups de fil le projet est lancé. Pendant quatre mois nos amis ouvrent leurs portes aux mineurs réfugiés de Poitiers que le 115 ne peut pas accueillir. Des enfants et adolescents que le département ne reconnaît pas car ils n’ont pas de papiers pour prouver leur jeune âge. Raison suffisante pour les mettre à la rue. Et les y oublier. De toute façon, en France, ils n’existent pas.
Et ça marche. Les besoins du refuge sont pourvus par la générosité du voisinage. Nos étudiants accompagnent les jeunes dans leurs démarches administratives et expérimentent la vie en communauté. Après des mois, des années de misère, ils ont enfin un toit, une famille, bientôt un pays à eux, pourquoi pas? Tous les espoirs sont permis quand on mange à sa faim. Parfois, des hommes en uniforme toquent à la porte. Ils amènent de nouveaux arrivants. Ceux-là, l’Etat a le devoir de les accueillir. Mais que voulez-vous les temps sont durs. Et puis la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Elle en prend déjà plus que sa part.
On remarque ainsi que lorsque le service public fait défaut, l’Etat peut arriver à tolérer, et même à s’appuyer sur des initiatives citoyennes qui viennent combler son déficit, au mépris de la loi.
Du moins tant que ces mêmes initiatives parviennent efficacement à maquiller les défaillances des mesures d’hébergement. Alors cessez de râler. A-t-on pu voir un de ces gosses à la rue, oui ou non ? Vous voyez bien que la France sait remplir son devoir d’humanité. Ceux qui remettent en question notre politique d’accueil sont des menteurs, ou des cyniques.
Le 2 octobre 2018, force resta en la loi. La nouvelle de l’expulsion qui menace depuis le 14 septembre a fuité, mais cela n’empêchera pas les 70 gendarmes mobilisés pour l’occasion d’accomplir admirablement leur travail. Les fauteurs de trouble sont évacués et en quelques minutes l’Etat de droit est restauré au 18 rue Jardin des Plantes. Et comme nous apprenons de nos erreurs, on prend bien garde à rendre impossible toute nouvelle tentative d’effraction : une équipe de maçons mure les fenêtres et la porte d’entrée. Le bâtiment est et restera vide. On respire.
Cette démonstration de force était évidemment disproportionnée. A quelques mois d’un scrutin clé dont l’immigration est un des enjeux les plus médiatisé, nous sommes en droit de questionner la portée politique de l’action. Probablement les responsables ont-ils simplement voulu décourager tout le monde. En instrumentalisant au passage la personne de ces jeunes isolés. Ça ne serait pas la première fois, tant cette méthode fait ses preuves et calme efficacement les foules.
Samedi dernier, 500 personnes occupaient la Place d’Armes en soutien aux mineurs de La Maison, le 3ème et le plus fort rassemblement à Poitiers depuis l’expulsion.
Pássaro appuie le collectif dans son action et appelle à se mobiliser aux côtés de ses membres. L’asile est un droit fondamental et les autorités compétentes ont manqué à leur devoir en le bafouant. Nous le leur rappelons tous les jours.
Rejoignez-nous !
Léonard Lebrun